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Comment parler de Centre du Monde dans l'art d'aujourd'hui ? A moins de s'en tenir à une Lapalissade : "dans l'ego hypertrophié de l'artiste l'art a toujours été le centre du monde" En fait le problème majeur de l'art, qui a toujours été celui de la communication, a été résolu de façon définitive à travers l'irrésistible dynamique des nouvelles technologies de l'information. En s'affranchissant tout naturellement des supports traditionnels, l'art est devenu le grand vecteur humaniste de la communication, tant visuelle qu'audiovisuelle. On a longtemps cherché à attribuer la crise de la peinture à celle de l'image peinte. Le problème se pose au niveau de la peinture à l'huile et il s'y enlise. L'image digitale ou électronique est en parfaite santé. Elle décrit parfaitement le monde de l'an 2000 comme la fresque représentait parfaitement le monde de 1400, l'huile sur toile le monde de 1600, la photographie impressionniste le monde de la seconde moitié du XIXè siècle. L'extraordinaire vitalité de l'image digitalisée ou de celle qui apparaît dans un CD-Rom, une séquence vidéo ou un site Internet, est dû à sa parfaite adéquation à la spécificité de son support organique.

L'image vidéo, le photogramme du CD-Rom, le digital print adhèrent parfaitement à leur support et à sa finalité communicatrice. Le processus est parfaitement homogène quelque soit le lieu de sa mise en oeuvre. Quand on pensait autrefois au centre du monde de l'art, on pensait à l'endroit où se fabriquaient les plus belles images. Aujourd'hui les belles images se produisent partout et leur potentiel d'auto transmission interactive est sans limite. Les mauvaises images sont celles qui ne communiquent pas, celles que le scanner définit mal ou celles qui passent mal sur le Web. Le critère esthétique est désormais implacablement lié à la bonne transmission du message. L'art qui ne communique pas n'est pas l'art. Devant cette normalisation éthico-esthétique de la culture globale, le concept d'esthétique de la communication revêt toute son ampleur.

L'art qui ne communique pas n'est plus de l'art. Il faut faire confiance au pionnier poète de la communication comme Fred Forest pour que soit préservée tout au long de leur stratégie interrogative la présence des valeurs humanistes individuelles sur lesquelles se fonde le filon créateur et poétique de notre culture globale. Ce qui est en cause aujourd'hui dans les domaines qui nous ont été ouverts par la technologie de pointe ce ne sont pas les phénomènes d'appropriation du réel mais la valeur spécifique des situations individuelles qui sont immédiatement transmises. L'image électronique de la télévision est capable de nous faire entrer dans un fragment d'espace temps original et spécifique par rapport aux potentialités visuelles proches, voisines ou presque analogues de la photographie ou du film. La peinture digitale nous familiarise avec une approche à la fois directe et synthétique du réel à une sensation identitaire qui est l'expression d'une approximation analogique.

Nous n'avons en aucun cas l'impression que l'information visuelle qui nous est proposée est plus pauvre ou plus faible que celle d'un original qui serait fixé à la peinture à l'huile sur une toile ou reproduit photo mécaniquement sur un format carte postale. Les stratégies opérationnelles de l'art sociologique ou de l'esthétique de la communication sont à l'origine d'une série d'images qui nous saisissent et nous conquièrent par la sensation de vérité gratifiante qu'elles nous inspirent. Les critères du goût changent et influencent de manière définitive notre pouvoir émotif et réceptif. Nous passons du beau au vrai et ce critère décisif ne se réfère plus à un idéal de beauté qui serait défini péremptoirement par le "Centre du Monde" mais à un constat positif et gratifiant d'une vérité que nous percevons comme universellement diffuse dans notre expérience du quotidien. Événements, installations vidéo, performances sont aujourd'hui produits indistinctement, sans incidence de qualité ou de priorité hiérarchique, à New York comme à Kuala Lumpur, à Paris ou Londres comme à Dakar ou La Havane.

Au sein de cet espéranto planétaire on ne reconnaît ni centre ni périphérie mais l'émergence d'une pulsion vitale riche en kilowattheures de poésie spontanée et qui témoigne de la globalité d'un désir d'expression interactive. Le Centre du Monde est ainsi partout et nulle part, c'est à travers les pulsions de ce magma chaotique que l'homme doit assumer l'intégrité et l'unicité de son être. Dans cette globalité dépourvue de centre l'homme se doit plus que jamais "d'être là". Heidegger avait raison lorsqu'il s'inquiétait du destin de l'art dans notre société industrielle. S'il était encore vivant, il ne croirait certainement pas au Centre du Monde et il aurait cherché dans l'esthétique de la communication une clef de lecture (et d'espoir) du magma chaotique de notre globalité.

Pierre Restany
Paris le 17 juillet 1999

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